Le développement de l’enfant

Stades prégénitaux

 

Les différentes phases se chevauchent.

 

Le stade oral :

  

Il va traditionnellement de la naissance au sevrage. La zone érogène de ce stade est la zone buccale mais aussi tout ce qui permet de goûter, sentir le toucher et les odeurs, voir et parler, tous les organes qui permettent de mettre des perceptions à l’intérieur de soi. Les yeux en font partie (on dit « dévorer des yeux »), la peau (lien plus tard avec les maladies psychosomatiques de la peau). Cela constitue la source pulsionnelle.

 

Le sein ou le biberon est l’objet pulsionnel. La pulsion de téter est séparée du plaisir d’être nourri pour devenir un plaisir en soi (parfois même avant la naissance, chez les fœtus qui tètent leur pouce).

 

Le but pulsionnel est double : stimuler la zone buccale de façon auto-érotique et incorporer des objets dont l’enfant n’a pas encore conscience qu’ils sont étrangers à lui : il ne sait pas que le sein et le lait ne font pas partie de lui. Il n’a pas conscience d’un extérieur à lui et de la présence d’autrui.

  

ABRAHAM divise ce stade en deux parties :

  

* Le stade oral primitif, jusqu’à 6 mois qui correspond au stade oral de FREUD. C’est le stade tel que décrit précédemment : stimuler la zone orale et incorporer ce qui paraît être une partie de soi.

* Le stade oral tardif de 6 à 12 mois, stade sadique-oral de FREUD, avec l’apparition des dents et des morsures. L’incorporation devient destructrice.

 

 
La relation d’objet de se stade se caractérise par une première relation d’objet à la mère que l’enfant n’identifie pas comme extérieure à lui, puis par la découverte que l’objet est extérieur à lui. C’est grâce à l’absence que commence à se constituer une conscience de l’objet : il manque donc existe. Il n’est pas toujours disponible donc est extérieur. En se distinguant de ses parents, l’enfant peut communiquer avec eux. Apparaît le premier conflit d’ambivalence des sentiments : besoin et amour de la mère et en même temps envie de la mordre, de la détruire. La réaction à cet instant de la mère qui est mordue a une grande importance, selon qu’elle est permissive ou non.

 

FREUD : « L’objet nait dans la haine ». Pour lui, la pulsion agressive est une partie de l’instinct de mort. C’est la projection à l’extérieur du mauvais (dont la colère due à l’absence de l’objet). L’objet est affecté de haine. L’angoisse de ce stade est d’être mangé.

 

Le sevrage met fin au stade oral. Il est indissociable de la fin d’un certain maternage. Le traumatisme du sevrage serait lié au sentiment que le bébé se sent puni d’avoir voulu agresser sa mère.

 

 

Le stade anal :

  

Entre 1 et 3 ans, il est lié à la maîtrise des sphincters et aux conflits qui s’y rattachent. La source pulsionnelle est la zone ano-rectale, voire intestinale. L’objet de la pulsion anale est la manipulation des excréments et la manipulation de la mère. Les matières fécales permettent une auto-excitation (plaisir érotique), le contrôle d’une partie de soi (le garder ou le faire sortir, faisant ainsi la distinction entre objet interne et objet externe) et sert aussi de monnaie d’échange avec les parents (leur faire plaisir ou non, faire ce qu’ils attendent ou non). L’angoisse de ce stade est d’être vidé, dépossédé d’une partie de son corps.

 

Le but pulsionnel est le plaisir attaché à la phase d’expulsion mais aussi à la phase de rétention, par stimulation de la muqueuse et contrôle sur les parents dans les deux cas (ce pourquoi ce stade est aussi appelé « sadique-anal » : sadique envers les matières fécales : expulsées, elles sont négligées et détruites. Sadique envers les parents : expulser ou non, expulser au bon endroit ou pas).

La rétention s’inscrit dans un plaisir auto-érotique masochiste : d’abord passif (les matières fécales se déplacent dans l’intestin de façon incontrôlable pour l’enfant) puis actif (retenir volontairement). 

 

La relation d’objet, influencée par la façon dont l’enfant a entretenu des relations avec ses matières fécales et par les conflits suscités par l’éducation à la propreté, a les caractéristiques suivantes :

 

* Le sadisme est une agression chargée de plaisir contre un objet. Le contrôle des sphincters donne un sentiment de toute puissance à l’enfant : il peut contrôler ses matières fécales, son corps et ses parents. Cela procède à la construction de son narcissisme, de son sentiment de puissance, son sentiment d’être capable, donc plus tard sa confiance en lui.

 

* Le masochisme désigne le but passif d’accéder au plaisir par des expériences douloureuses.

 

* L’ambivalence, l’envie de rejeter et l’envie de garder, l’envie d’aimer ou de détruire ses parents. Pour FREUD, l’homosexualité prendrait ses racines dans cette ambivalence d’activité-passivité.

 

  

Le stade phallique :



Il apparaît après 3 ans. Le seul sexe reconnu par les enfants des deux sexes est le pénis : en avoir un ou pas. Ils n’ont pas conscience de l’existence d’un autre sexe. Certains, comme FENICHEL, imaginent un stade urétral entre stade anal et phallique, qui s’appuie sur le plaisir à uriner, dont les troubles pourraient expliquer l’énurésie.

 

Vient ensuite la masturbation et la curiosité sexuelle : différence anatomique entre les deux sexes (avoir un pénis ou non), origine des enfants, procréation et grossesse. La scène primitive est un fantasme de l’enfant qui s’imagine avoir vu ses parents s’accoupler, ou dans quelques cas les scènes réellement vues ou plutôt entendues. Dans cette scène fantasmée interviennent l’identification à un des partenaires ou aux deux, souvent dans la position passive, la projection de sa propre agressivité et le sentiment d’être exclu. En dérivent le voyeurisme et, si le fantasme a été sublimé, transformé en une activité socialement encouragée, le besoin de comprendre, d’apprendre, de découvrir.

 

Cette scène primitive s’accompagne chez l’enfant de théories sur la sexualité, la fécondation (souvent buccale), la naissance (anale la plupart du temps).

A ce stade, le pénis n’est pas vécu comme organe génital mais comme symbole de puissance ou complétude, c'est-à-dire un phallus. Le phallus n’est pas l’organe, c’est sa fonction symbolique, c’est un fantasme de puissance et de complétude. Ce qui caractérise le phallus pour FREUD, c’est le fait qu’il soit détachable, c’est un objet partiel. Le stade phallique pourrait être compris comme le stade de la découverte de la différence des sexes alors qu’il s’agit d’un stade de déni de cette différence : pour le garçon, la fille n’a pas de sexe ; pour la fille, son pénis va pousser. Le phallus est l’objet du désir de la mère. La question pour l’enfant est d’être ou non ce phallus pour elle.

 

A ce stade, le conflit met en jeu une blessure narcissique d’avoir ou non un pénis et non à la peur de le perdre. L’angoisse de castration intervient lorsque le garçon surinvestit son pénis et a peur qu’il lui arrive quelque chose en punition de désirs et plaisirs qu’il ressent comme interdits (masturbation). Chez la fille, le constat du manque de pénis constitue une blessure narcissique et entraîne un sentiment d’infériorité. La fille en rejette la cause sur la mère, qu’elle perçoit comme aussi incomplète qu’elle, ce qui l’amène à s’en éloigner pour se rapprocher du père et entrer dans l’Œdipe.

 

Stades génitaux

 

Le complexe d’Œdipe a un rôle fondamental d’organisateur dans la structuration de la personnalité. Le conflit qui apparaît entre 3 et 5 ans, est un conflit désormais sexuellement spécifié, inscrit dans une relation à trois (père, mère et enfant). Il inaugure une véritable génitalisation de la libido. FREUD a découvert le complexe d’Œdipe en faisant sa propre analyse. Il a retrouvé le souvenir d’une libido tournée vers sa mère et une jalousie ambivalente envers son père.

 

L’Œdipe est rarement simple (on parle de double Œdipe) et alterne des moments où il a une forme positive (l’enfant se tourne vers son parent de sexe opposé et rejette l’autre parent) et des moments où il prend une forme inversée ou négative (l’enfant s’identifie à un enfant de l’autre sexe pour se tourner vers son parent de même sexe et rejeter son parent de sexe opposé). L’ambivalence à l’égard des deux parents et les composantes hétérosexuelles et homosexuelles de l’enfant sont mises en jeu.

 

Les études anthropologiques montrent l’universalité de l’Œdipe et l’importance de la structure familiale dans l’établissement d’un système symbolique destiné à transmettre la loi fondamentale qu’est la prohibition de l’inceste.

 

Le garçon jalouse la relation que le père a avec la mère ainsi que sa puissance. Le père est un rival à éliminer mais aussi un modèle. A l’agressivité envers le père répondent la culpabilité et l’angoisse de castration, ainsi qu’un attachement à celui auquel il s’agit de s’identifier pour un jour lui ressembler.

 

Pour la fille, l’objet d’amour premier qui est la mère doit être abandonné au profit du père. Selon FREUD, la fille s’éloigne de la mère qui lui aurait volé son pénis pour séduire le père qui en est pourvu. Cela s’accompagne de jalousie, d’agressivité envers la mère et de culpabilité. Pour une fille, la relation à la mère est plus ambivalente que pour les garçons envers leur père, et elle le restera. La fille sort de l’Œdipe par peur de perdre l’amour de sa mère.

 

L’Œdipe joue un rôle fondateur dans la structure de la famille (interdit de l’inceste) et dans le développement psychique. La sexualité n’est plus auto-érotique mais orienté vers l’extérieur, vers un objet (mère ou père) et centrée sur les zones génitales. L’Œdipe participe aussi à la constitution de la réalité de l’objet qui n’est plus un objet partiel mais un être entier et sexué, modèle qui présidera au choix futur de l’objet d’amour : il ne s’intéresse plus à une partie du corps mais à une personne. L’Œdipe enfin jour un rôle capital dans la constitution du Surmoi et de l’Idéal du moi.

 

L’Idéal du moi dicte ce qu’il faut faire et à qui il faut ressembler. Il sert de modèle, de référence pour le Moi. Son origine est narcissique (illusion de toute puissance du petit enfant) et se trouve renforcé au moment de l’Œdipe.

 

Le Surmoi est hérité du complexe d’Œdipe et est le résultat d’une identification réussie. Il dicte ce qu’il ne faut pas faire, grâce à l’intériorisation des interdits, notamment sexuels, et du propre Surmoi des parents : l’enfant ne prend pas modèle sur le comportement réel de ses parents mais sur un modèle de parents idéalisés et parfaits. Il ne s’agit plus d’obtenir l’approbation de ses parents mais de son Surmoi, c'est-à-dire les images parentales intériorisées.

 

Le Moi a pour fonction de gérer les relations avec la réalité, grâce à des compromis entre le Ça (les pulsions), le Surmoi (la conscience morale plus ou moins inconsciente) et le monde extérieur.

  

La sortie de l’Œdipe s’effectue par un déplacement de l’envie d’avoir vers l’envie d’être : ne plus obtenir l’amour de son parent de sexe opposé mais ressembler à son parent de même sexe. Suit la période de latence, de la sixième année jusqu’à la puberté, qui rend l’enfant disponible pour d’autres activités : curiosité intellectuelle, apprentissages. Il n’y a pas d’organisation nouvelle de la sexualité pendant cette période. Les tendances libidinales, sexuelles, sont « inhibées quant au but » : elles sont transformées, sublimées en une autre forme de curiosité (intellectuelle) et un autre type d’attachement (tendresse). Les énergies pulsionnelles sont redistribuées. Selon FREUD, l’Œdipe est seulement refoulé, au moment de l’entrée en période de latence, il ne sera réglé qu’à l’adolescence. La puberté offre une seconde chance de résoudre son Œdipe.

  

L’adolescence est plus une crise qu’un stade. Elle met fin à la période de latence. Il s’agit de s’adapter aux changements physiques liés à la puberté et retrouver un équilibre. Les pulsions sexuelles sont réactivées, parfois brutalement. Le changement du corps provoque des inquiétudes, des complexes, un sentiment de bizarrerie, d’anormalité, de honte et de culpabilité (masturbation). On peut parler de crise narcissique et identificatoire. Le garçon accordera, sa vie entière, une valeur narcissique à son pénis alors que la fille investira le corps entier (maquillage, coquetterie, souci de garder la ligne).

 

La préadolescence est la scène de la reviviscence des pulsions sexuelles dirigées vers les parents. C’est pourquoi, ensuite, l’adolescent doit se différencier et s’éloigner de ses parents, parfois violemment.